Étirer les muscles, mobiliser les articulations, malaxer les points douloureux est l’art de guérir le plus ancien. Se faire masser, c’est prendre soin de soi mais aussi mieux résister au stress déclencheur de pathologies. Mais quelles sont réellement les vertus santé du massage ?
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L’origine de cette gestuelle thérapeutique remonte à l’Antiquité. De vieux manuscrits chinois évoquent le recours aux massages 3 000 ans avant J.-C.
« Les Grecs et les Romains préconisaient aussi de se faire masser pour accélérer la convalescence, régénérer le corps ou soulager les douleurs après les jeux des gladiateurs », remarque Jean-Marc Harel-Ramond*, psychothérapeute et sophrologue.
Mais en Occident, malgré les bienfaits constatés, la pratique est longtemps restée dans l’oubli, en raison notamment de la montée du christianisme qui voyait d’un mauvais œil toutes les démarches impliquant le toucher, le contact physique.
Un outil précieux contre le stress
Elle revient aujourd’hui en force dans le sillage des médecines douces, le besoin de prendre soin de soi et de juguler le stress de la vie moderne.
À en croire une enquête, réalisée en juillet 2012 par l’institut Ipsos pour le compte du salon Rééduca, seulement 5 % des Français s’adonneraient aux bienfaits du massage. Certes, hors prescription médicale, les séances sont un peu onéreuses** mais lorsque le praticien est de qualité, elles ne s’apparentent ni à un confort ni à un simple luxe.
Au-delà du plaisir et de la détente qu’il procure sur le moment, le massage a en effet des vertus curatives, à court et long terme, incontestées. De nombreuses études cliniques ont constaté la pertinence de certaines manœuvres pour réduire les raideurs articulaires et les douleurs neuromusculaires chroniques, apaiser les maux de tête et les troubles digestifs, stimuler les défenses immunitaires ainsi que la circulation sanguine et lymphatique.
Une fois libéré des tensions qui l’assaillent, le corps est davantage capable de se défendre par lui-même, en particulier de mieux résister au stress. Or, celui-ci s’avère être le déclencheur voire l’accélérateur de huit pathologies actuelles sur dix, souligne Christophe Fosseur, masseur-kinésithérapeute.
Ces impacts positifs connus de longue date ont, durant des décennies, été attribués uniquement à l’augmentation de la température cutanée au niveau de la zone traitée, à l’élimination des déchets toxiques accumulés localement, mais aussi et surtout à l’effet placebo généré par le fait d’être pris en charge, cocooné.
Sans compter les explications irrationnelles avancées pour justifier les bienfaits supposés de quelques pratiques d’inspiration exotique, qui n’ont généralement d’oriental que le nom. D’où le scepticisme voire la défiance de certains sur l’utilité réelle des massages.
Un pouvoir anti-inflammatoire
Des chercheurs canadiens ont décrypté les rouages intimes de leurs modes d’action sur l’homme. Et, surprise, ils seraient encore plus efficients qu’on ne l’imaginait dans la mesure où ces manipulations sont susceptibles d’engendrer dans l’organisme des modifications biochimiques en chaîne qui se propagent jusqu’au cœur même des cellules, au niveau de leur ADN.
Pour leur étude, les biologistes du département des maladies neuromusculaires et neurométaboliques de l’université McMaster, à Hamilton (Ontario), ont recruté onze jeunes sportifs qu’ils ont fait pédaler sur un vélo stationnaire durant soixante-dix minutes à toute vitesse.
Après cet effort intense, chacun d’eux a bénéficié d’un massage sur une seule jambe. En analysant les échantillons de muscle prélevés à l’intérieur de leurs cuisses juste avant l’exercice, dix minutes après le massage puis deux heures et demie plus tard, les chercheurs se sont aperçus que le massage avait déclenché des effets comparables à un traitement antalgique médicamenteux.
Bien que les biopsies des deux jambes présentent les mêmes microlésions occasionnées par le pédalage forcené, celles issues des muscles massés concentrent en effet beaucoup moins de molécules inflammatoires que les autres. Ces dernières n’ont pas été évacuées par les mouvements d’effleurage, de friction et de malaxage, mais tout simplement muselées par les cellules musculaires elles-mêmes.
Explication : les pressions induites par le massage sont détectées par de minuscules capteurs enchâssés dans la membrane des cellules. Ceux-ci transmettent aussitôt l’information à l’intérieur de leur cellule sous forme de signaux moléculaires (des protéines kinases à la structure modifiée).
Dès lors, la machinerie cellulaire se met en marche et provoque des événements en cascade qui aboutissent à l’activation de neuf gènes d’ordinaire silencieux, dont certains neutralisent le processus inflammatoire.
C’est pourquoi les douleurs immédiates et les courbatures du lendemain sont réduites. Mais ce n’est pas tout. À plus long terme, d’autres gènes sollicités encouragent la genèse de nouvelles mitochondries, ces petits organites chargés de la production d’énergie à l’intérieur des cellules. L’augmentation de leur nombre peut prendre plusieurs semaines.
Aussi les tissus massés seront-ils plus toniques et mieux armés face aux agressions durant tout ce temps.
Des effets anxiolytiques
Les manœuvres très appuyées sur tout le corps, telles celles réalisées lors d’un vrai massage suédois ou californien, exercent aussi un effet bénéfique sur le système immunitaire et hormonal.
Des récepteurs spécifiques du toucher profond localisés dans le derme, la couche de peau située juste sous l’épiderme, sont à cette occasion stimulés. Ils envoient alors des impulsions nerveuses à la moelle épinière, laquelle les achemine jusqu’au cerveau.
En réponse, celui-ci se met à produire de grandes quantités de dopamine, de sérotonine et d’endorphine, les hormones cérébrales du soulagement et du plaisir qui diffusent illico dans tout l’organisme par l’intermédiaire de la circulation sanguine.
Une étude américaine***, menée en septembre 2010 au Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles, a clairement démontré qu’il en résultait également une diminution importante de la sécrétion de cortisol, l’hormone du stress.
Des cathéters intraveineux ont été posés dans le bras de cinquante-trois bénévoles en bonne santé. Tous se sont ensuite allongés sur une table de massage confortable, dans un cadre strictement identique.
Mais seule la moitié d’entre eux a reçu un massage suédois de quarante-cinq minutes dans les règles de l’art. Les autres n’ont eu droit qu’à des touchers légers, principalement des effleurages.
L’analyse des échantillons de sang prélevés chez tous les participants avant et après la séance a clairement montré la différence.
Chez les personnes ayant été vraiment massées, on constate une nette augmentation de la concentration en lymphocytes (globules blancs du système immunitaire) et une diminution significative de la vasopressine, hormone qui régule la pression sanguine et la libération de cortisol par les glandes surrénales.
Chez les autres, en revanche, seule une élévation de l’ocytocine (hormone de la satisfaction) est décelable. L’effet anxiolytique des massages ne relève donc pas du simple effet placebo.
Un travail sur les tensions physiques et psychiques
« Le toucher n’est pas qu’un contact physique. Habilement utilisé, il peut avoir un impact émotionnel, relier l’individu à lui-même et aux autres, ouvrir au toucher intérieur », explique Isabelle Barat, shiatsuki et formatrice en réflexologie.
Certains massages parviennent à évacuer les émotions refoulées, les tensions physiques et psychiques. Les séances de somato-psychopédagogie au centre de thalasso Miramar Crouesty relèvent de ce principe.
Tout comme les massages biodynamiques que proposent quelques sophrologues et praticiens de bien-être. En associant le toucher et la parole, ils libèrent les traumatismes inscrits dans le corps générateurs de maux psychosomatiques.